Pendant des années, de nombreuses décisions de justice sont venues annuler les constats d’Huissiers dressés sur internet au motif que ces derniers ne pouvaient pas, de par l’absence de précision techniques, certifier que les pages constatées étaient bien « en ligne » au moment des constatations, que ces pages n’étaient pas viciées par des virus, malware ou autres. De même, rien ne prouvait que le constat dressé ne l’était pas sur la base de la mémoire cache de l’ordinateur de l’Huissier instrumentaire.
Une très grande instabilité juridique venait donc peser sur les constats d’Huissier sur internet et donnait naissance à une jurisprudence fluctuante.
Internet repose en effet sur une base technique difficile à appréhender, et susceptible d’altérer la perception par tout un chacun de la réalité des contenus en ligne. La commission de normalisation AFNOR « Acte authentique d’Huissier de Justice » est donc venue dresser un mode opératoire pour les constats d’Huissier sur internet.
Ce mode opératoire va se décliner sur deux niveaux, un niveau opérationnel et un niveau organisationnel. Cette norme a pour objectif d’aider l’Huissier dans ses constatations, ce dernier n’ayant aucune expertise dans ce domaine. Elle représente également une référence sur laquelle le juge peut s’appuyer.
Quelles sont les conditions que la norme AFNOR NF Z67-147 demande aux constats d’Huissier sur internet ?
Je ne vais pas ici décrire l’intégralité du mode opératoire nécessaire à la conformité du constat, ce dernier est très technique et nécessite, pour sa bonne compréhension, des compétences dans le domaine de la micro-informatique et de l’administration réseau. De plus, la norme est accessible et téléchargeable sur internet.
Pour résumer, le process édicté par la norme AFNOR se décline sur 3 niveaux :
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Un premier niveau concerne les travaux préparatoires avant de commencer les constatations. L’objectif des travaux préparatoires est de créer « un espace neutre et vide de tout contenu parasite lors de l’exercice du constat ».
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Un second niveau décrit la manière dont l’Huissier doit procéder aux constatations, et impose que l’officier ministériel « conserve en permanence la maîtrise sur les constatations, les relève personnellement et sous sa responsabilité ».
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Un troisième et dernier niveau définit les travaux de fin de constat permettant d’identifier l’adresse IP de la cible, de garantir l’intégrité des contenus numériques téléchargés et les différentes opérations à mener en cas de capture de flux réseau.
La norme AFNOR NF Z67-147 pour les constats d’Huissiers sur internet est-elle vraiment obligatoire ?
La norme AFNOR NF Z67-147 n’a pas été consacrée par le législateur et donc ne représente, qu’un « recueil de bonne pratiques ». C’est en tous cas ce qui a été rappelé par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 27 février 2013.
Toutefois, dans un arrêt du 15 septembre 2016 rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence, les magistrats ont considéré que « un tel acte ne peut être effectué par un huissier de justice qu’à la condition de respecter la norme NF Z67-147 de septembre 2010, dont les articles 4.2.1 et 4.2.2 détaillent sur 2 pages entières un certain nombre de travaux ». Dans cette affaire, la cour a invalidé le constat pour non-respect de la norme AFNOR.
De même, le Tribunal de Commerce de Toulouse, dans un jugement du 18 juillet 2017 écarte un constat d’Huissier dressé en méconnaissance de la norme AFNOR : « Attendu que l’Huissier n’a pas mis en œuvre les règles de l’art en matière de preuve informatique permettant de s’assurer de l’impartialité du constat et entache ainsi la force probante de celui-ci ».
Il faut donc retenir qu’en l’état de la jurisprudence actuelle, ne pas respecter les préconisations et le mode opératoire de la norme AFNOR NF Z67-147 expose fortement le constat à un risque d’invalidité.
J’ai pu remarquer à plusieurs reprises et encore récemment que certains Huissiers n’appliquent que partiellement les dispositions de la norme au motif que certaines, en fonctions du constat, ne sont pas forcément pertinentes. Il est vrai que satisfaire pleinement au mode opératoire demande du temps et une expertise certaine de l’Huissier instrumentaire.
Toutefois, pour ma part, je préfère dresser tous mes constats en respectant l’intégralité des points recensés par la norme AFNOR, et ce, sans exception, partant du principe de « qui peut le plus, peut le moins ». La jurisprudence pouvant se montrer extrêmement stricte, il me paraît dangereux et risqué de faire des choix dans le protocole exigé.